Pouce ou tétine ? La discussion est ancienne chez tous les parents venant d’avoir un nouveau-né.
Pour la première fois, plusieurs équipes universitaires (à Clermont-Ferrand, Wisconsin-Madison et Jérusalem) se sont penchées sur la question et ont effectué une étude (1) montrant que l’usage de la tétine au cours de la journée, principalement chez les garçons, réduit les capacités d’empathie et l’intelligence émotionnelle.
Les chercheurs ont testé l’hypothèse selon laquelle la présence d’une tétine lors des interactions d’un jeune enfant avec ses parents ou ses éducateurs réduit la mobilité des muscles du visage impliqués dans le mimétisme facial (sourire quand l’autre sourit, exprimer l’inquiétude quand il a l’air inquiet).
Les psychologues ont conduit leur expérience en filmant le visage d’enfants âgés de sept ans lorsqu’ils observaient des visages animés en train d’exprimer des émotions sur un écran. Ils ont constaté que les enfants ayant sucé la tétine (et non le pouce) au cours de leurs premières années de vie présentaient un mimétisme facial réduit, voire quasi inexistant, au bout de cinq ans d’usage de la tétine.
Chez de jeunes adultes âgés de 19 ans, les chercheurs ont ensuite constaté que l’usage précoce de la tétine était lié à une plus faible intelligence émotionnelle : les jeunes gens ont plus de difficultés à identifier les émotions ressenties par leurs interlocuteurs, de même que leurs émotions propres, et à réagir de façon appropriée. Or l’intelligence émotionnelle est étroitement liée au bien-être, à la réussite personnelle et professionnelle.
L’Organisation mondiale de la santé recommande de limiter l’usage des tétines. Cette étude précise que c’est lors des interactions de l’enfant avec ses éducateurs pendant la journée, que l’effet peut être néfaste. En revanche, la tétine peut être donnée la nuit ou pendant les périodes de repos. Pour une raison restant à découvrir, cet effet affecte essentiellement les garçons. L’usage du pouce ne présente, quant à lui, aucun effet de ce type.
(1) : P. Niedenthal et al., in Basic and Applied Social Psychology, vol. 34, p. 387, 2012